L’accompagnement des mourants

Comment aider les êtres, nos mères, dans l’épreuve de la mort

Le nectar qui dissipe les tourments

La manière d’aider les mourants par un accompagnement approprié sera expliquée ici de deux points de vue distincts, selon que la personne en fin de vie accepte ou non le Triple Joyau, l’existence de la loi du karma, de naissances passées et futures…

Dans le premier cas, on se rappellera que soi-même, comme tous les autres êtres, l’on fait inévitablement l’expérience de la naissance, de la vieillesse, de la maladie et, tôt ou tard, de la mort. Ainsi sensibilisés, il nous faudra aider le mourant face aux terribles souffrances qu’il affronte : atteinte de la maladie, douleur à l’idée d’être séparé de lieux familiers, de son corps, de sa famille et de ses amis, peur de renaître dans des états d’existence inférieurs, etc.

Comme l’énoncent les enseignements des saints maîtres, bien que s’étant efforcé tout au long de sa vie à la pratique des vertus, si l’on meurt l’esprit animé par de violentes dispositions négatives (attachement, hostilité ou autre), on renaîtra dans une existence inférieure ; en revanche, si l’on a durant sa vie pratiqué la vertu et qu’on se dispose à la mort en étant mû par des pensées vertueuses, empreintes de bonté, après avoir quitté ce corps, on prendra une renaissance dans une condition supérieure.

La raison en est la suivante : L’état de conscience du moment de la mort est extrêmement puissant, de sorte qu’il confère une force particulière aux empreintes karmiques susceptibles de faire renaître dans l’un ou l’autre domaine d’existence (inférieur ou supérieur). Les potentialités ainsi activées produiront leur résultat en priorité. En effet, quels qu’ils soient, les karmas vertueux ou négatifs accumulés produisent nécessairement leur résultat lorsque les conditions sont réunies. Mais il est impossible de faire l’expérience du résultat d’un karma non accompli ; quant aux karmas accomplis, ils ne s’épuisent pas tant qu’ils n’ont pas produit leur résultat.

A supposer qu’une personne ait accumulé en quantité égale des karmas vertueux et non vertueux, si, au moment de sa mort, se manifeste en elle un état d’esprit négatif, la soif et la préhension* vont alors renforcer les karmas non vertueux, accroissant ainsi la puissance de leur empreinte, si bien que les karmas non vertueux produiront leur résultat en premier, engendrant une renaissance dans une condition d’existence inférieure.

A l’inverse, si l’état d’esprit de l’individu en fin de vie est vertueux, il va alimenter les karmas positifs antérieurement accumulés. Ces derniers seront ainsi portés à maturation les premiers et feront obtenir une renaissance supérieure en tant que deva (être céleste) ou humain, qui fournira au mourant la possibilité de purifier ses karmas négatifs.

C’est donc, pour l’essentiel, en lui évitant de laisser se manifester de violents états d’esprit négatifs tels que la colère, et en lui permettant de faire apparaître en lui des pensées vertueuses de foi, de bonté… que l’on peut l’accompagner utilement.

Cette aide devra être apportée par un maître spirituel ou un ami sincère. Pour éviter que le mourant ne soit sous l’emprise de l’attachement, de l’aversion ou de toute autre disposition d’esprit négative, il faudra éloigner de sa vue les possessions qu’il affectionne tout particulièrement ainsi que les êtres qui lui sont très chers. En effet, si son regard se pose sur ces personnes ou sur ces choses, il risque d’éprouver un fort attachement du fait de l’insupportable douleur de la séparation.

Il serait malvenu de s’agiter au chevet du mourant dans des discussions bruyantes et désagréables à ses oreilles, à propos de ce qu’il faut faire ou ne pas faire à son sujet. Au contraire, on évitera le bruit, les cris, les lamentations, et l’on veillera à maintenir une atmosphère paisible favorable à la sérénité de son esprit. Ceci est d’une importance capitale.

Mourant
Illustration d'un mourant

Lorsque quelqu’un est en train de mourir, on doit s’abstenir de lui prendre la main, de l’embrasser, de l’étreindre… de tout ce qui pourrait faire apparaître en lui l’attachement ou l’aversion. Il ne faut surtout par mettre en sa présence toute personne ennemie, susceptible de faire surgir en lui une profonde hostilité ou une haine violente.

Une attention particulière doit être portée à la position du mourant : Il sera allongé sur le côté droit. On obstruera sa narine droite avec du coton ou autre, ce qui lui permettra d’éviter l’apparition de pensées non vertueuses. En effet, les vents subtils internes qui activent les pensées négatives circulent dans les canaux (nadis) situés du côté droit. C’est la raison pour laquelle le corps doit être appuyé sur le côté droit.

Afin de faire apparaître en la personne du mourant une disposition mentale vertueuse, positive, telle que la foi, on placera devant ses yeux une photo ou une représentation du Bouddha, de ses maîtres spirituels, de sa déité de méditation… auxquels il s’est voué plus particulièrement durant sa vie.

Quant à celui qui accompagne le mourant, il se gardera de toute mauvaise intention telle que la recherche de son propre intérêt, d’un quelconque avantage ou profit personnel. Il agira avec beaucoup d’amour et de compassion. Avec une foi ferme, confiante en les qualités des maîtres et du Triple Joyau, et en les bienfaits [qui découlent de la récitation] du nom du Bouddha et des mantras, il s’adressera au mourant à voix haute, en émettant des sons purs et clairs. Il dira, par exemple : « Méditez sur le sommet de votre tête la présence des maîtres et des déités en lesquels vous avez foi, indissociés de la nature du Triple Joyau. Invoquez-les avec une ardeur exempte de doute et priez-les de vous protéger des peurs de cette vie, des suivantes et de l’état intermédiaire (bardo), et de vous guider jusqu’à la Terre pure de Soukhavati (Tib. Déwatchène). »

Il faudra alors faire réciter au mourant les invocations aux maîtres et au Bouddha, ainsi que les mantras… Si le mourant n’est pas en état de les prononcer, on les fera dire par quelqu’un d’autre.

Il est enseigné qu’une seule récitation du mantra [du nom] du Bouddha Shakyamouni purifie les actions négatives accumulées durant quatre-vingt mille cycles cosmiques, qu’à seulement entendre le nom des Bhagavat, du Bouddha Médecin suprême (Bouddha de médecine) et des huit Sougatas, on ne renaîtra pas dans les états infortunés ; que, s’il arrive que l’on prenne une telle renaissance, au seul souvenir de leur nom, on en sera libéré ; et que même ceux qui ont transgressé les préceptes purifieront les empreintes de karmas à pleine maturité grâce à de nombreuses récitations du nom du Bouddha Médecin suprême … En résumé, ainsi qu’il est enseigné, les bienfaits de ces récitations sont infinis.

Dans le second cas, le mourant est une personne non bouddhiste qui ne croit ni au karma, ni aux renaissances passées et futures. Il faudra alors l’aider à ne pas ressentir de chagrin, à ne pas laisser surgir la colère ou l’aversion, à ne pas éprouver d’attachement ni de peur.

Pour lui éviter la tristesse, on s’abstiendra de l’appeler en criant son nom, de l’étreindre, de lui prendre la main, de se lamenter. Afin de la préserver de la colère et de l’aversion, il conviendra d’éloigner de sa vue tous ceux qui lui ont fait du mal ou qui ont nui à sa famille ou à ses proches et qui feraient l’objet de son ressentiment. Il serait également inapproprié de raviver en elle le souvenir des moments douloureux et des épreuves de son existence, car en éveillant sa rancune, on provoquera sa colère, et en lui rappelant ses peines, on la rendra triste. Or ceux qui meurent en proie à la colère ou à la tristesse souffrent d’autant plus, de sorte qu’ils pourront être à l’origine de nombreux obstacles rencontrés ultérieurement par ceux qui restent. Il est par conséquent très important d’employer les méthodes appropriées pour que le mourant n’éprouve aucune colère.

Pour le préserver de l’attachement, on fera en sorte qu’il ne puisse pas voir tout ce qui lui est cher, bijoux, vêtements et possessions diverses. Mieux vaudra donc ne pas s’agiter près de lui en discussions sur ce qu’il faut faire de ses affaires, car à la vue ou à la pensée de tout ce à quoi il tient, il risque fort d’éprouver de l’attachement.

Au seuil de la mort, il est préférable qu’il ne voit pas ceux qu’il aime, qu’il s’agisse d’amis chers ou d’autres proches, car cela pourrait faire naître en lui une insupportable douleur à l’idée de la séparation, provoquant ainsi l’attachement. Il faut donc y veiller.

Pour lui éviter la peur, on fera en sorte que le mourant n’entende pas de bruits violents, tels que des coups de feu tirés à proximité ou des paroles et discussions inquiétantes. On l’allongera sur le côté droit, la jambe gauche reposant sur la droite. Il sera utile de boucher l’orifice de l’oreille et de la narine droites avec du coton pour empêcher les perturbations mentales et les peurs, favorisant ainsi le confort et la tranquillité.

Victorieux Amitabha, Arya sublime Avalokiteshvara, avec le crochet de votre compassion, saisissez, je vous en supplie, tous ces êtres moribonds plongés dans les ténèbres effrayantes de l’état intermédiaire, poussés par le souffle noir du karma et étranglés par le sombre lasso des perturbations mentales, et conduisez-les vite à la Terre pure de Soukhavati.

Quand ma vie prendra fin et que viendra l’heure de ma mort,
Puisse le Bouddha Amitabha apparaître clairement à mes yeux
Avec l’immense assemblée de son entourage,
Et puisse mon esprit être alors empli de foi et de compassion.

Dès que surgiront les apparitions du bardo,
Puissent les huit fils de Victorieux me montrer parfaitement le chemin
Et, renaissant en Soukhavati, puissé-je manifester des corps d’émanations
Qui guideront les êtres des champs impurs.

Le bouddha Amithaba
Le bouddha Amithaba

Ce texte a été écrit dans le seul but d’aider les êtres dans l’épreuve de la mort. Les vertus ainsi accumulées, je les dédie afin qu’elles soient la cause permettant à tous les êtres d’obtenir l’Éveil insurpassable.

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